Journée d’études Post Monument : Art en situation – quand l’œuvre a lieu
Les questions de la présence et la pratique de l’art à l’échelle d’un site, d’une ville ou d’un territoire, pourtant ancestrales, se posent régulièrement en de nouveaux termes. D’une part, l’ouverture spatiale et temporelle des lieux de l’œuvre depuis les années 1960 (land art, site specific, art in situ, art urbain) a inauguré l’élargissement du champ de la sculpture et de l’art avec parfois un détachement institutionnel des productions artistiques. D’autre part, depuis les années 2000, le plébiscite des pratiques artistiques contemporaines dans l’espace public autant par les élus, les entreprises et les publics ainsi que la visibilité élargie des œuvres, in situ et en ligne participent à l’émergence de nouvelles pratiques de création, de production, d’exposition et de fréquentation de l’art.
Dans le cadre de la filière « Fresque & Art en situation », la journée d’étude propose d’explorer la diversité des savoirs et savoir-faire mobilisés dans l’art en situation selon trois temporalités : avant, pendant et après la création des œuvres.
« Avant » correspond à la phase politique, territoriale, culturelle et de recherche et développement du projet artistique que représentent, par exemple, les nouvelles pratiques d’urbanisme culturel, les études de sites, d’impacts, explorations urbaines ou encore programmes de commande.
« Pendant » correspond au processus de création avec les matériaux, anciens et nouveaux, les esquisses, prototypes, intégration des contraintes de différentes natures, production et installation sur site, etc.
« Après » correspond à la réception, la documentation, la médiatisation, la maintenance, la restauration ou encore les altérations, la destruction, les réinterprétations, la patrimonialisation.
PROGRAMME
9h30-9h45 : Introduction de la journée et présentation de la filière
Session #1 : L’art dans la fabrique des territoires / art, territoire et commande
9h45-11h Observatorium (Rotterdam) et Arpentère (Paris)/ « Public art for public life: working methods »
Depuis 1997, Observatorium a réalisé plus de 50 œuvres d'art pérennes dans l'espace public à New York, Berlin, Londres, Krasnoïarsk, Nantes, Alost, la Ruhr, Munich, le port de Rotterdam et de nombreux endroits aux Pays-Bas et en Allemagne. Actif depuis 1997, Observatorium est un atelier de création reconnu pour ses interventions à grande échelle combinant sculpture et création de lieux. Andre Dekker (Delft, 1956), co-fondateur d'Observatorium, est un artiste visuel néerlandais, travaillant comme designer, dessinateur, scénographe pour un art remodelant les espaces publics, au cœur des transitions urbaines et paysagères durables. En 2020, Andre Dekker a cofondé Lesnini Field, un site de nature sauvage et d'art de 22 hectares en Californie. Il travaille actuellement avec Observatorium sur deux projets d'art public à grande échelle : la place du campus et des propositions sculpturales à Grenoble ou encore un monticule emblématique dans les marais salants de la mer des Wadden, aux Pays-Bas. Au printemps 2022, l'éditeur d'architecture et d'art nai010 publiera son Public Art for Public Life, le deuxième livre sur l'art public d'Observatorium. Présentation en dialogue avec le studio Arpentère, qui rassemble une équipe d’architecte-paysagistes, urbanistes, graphistes, médiateurs impliqués dans les questions urbaines, formelles, sociales et fonctionnelles. Arpentère s’appuie sur un réseau de compétences aussi bien en écologie urbaine, en ingénierie, en hydraulique qu’en programmation.
11h-12h Pascal Le Brun-Cordier (École des Arts de la Sorbonne – Paris 1)
Urbaniste culturel, directeur artistique, professeur associé à l’université Paris I Panthéon-Sorbonne, responsable du Master projets culturels dans l’espace public depuis 2005.
La création artistique in situ et in vivo : focus méthodologique sur l’urbanisme culturel et la commande citoyenne.
Que signifie créer in situ ? Qu’implique la création in vivo ? Qu’appelle-t-on art en commun ? Quelle place la création artistique peut-elle avoir dans la fabrique urbaine ? Que recouvre la notion d’urbanisme culturel ? En quoi la commande citoyenne diffère-t-elle de la commande classique ? Ce sont quelques-unes des questions auxquelles répondra Pascal Le Brun-Cordier, à partir de son expérience de directeur artistique et de responsable du Master Projets culturels dans l’espace public.
12h-12h30 Questions et discussions : « Environnements naturels, sites fragiles et protégés, monuments historiques, sites urbains sensibles : comment créer sous contraintes ? »
Session #2 : L’art en situation de conflits et post conflits (13h30-17h)
« Depuis l’Antiquité, le politique siège au cœur de l’existence sociale de la sculpture, fruit de décisions perçues comme l’expression d’une verticalité des instances du pouvoir qui l’initient, l’encouragent ou l’accueillent dans une société donnée – et ce, quel que soit le type de régime concerné : les démocraties ou les dictatures. » Bertrand Tillier
Lors de cette session, on s’intéressera aux formes, aux stratégies artistiques, aux dispositifs visuels et médiatiques conditionnant l’élaboration, la réception ou encore la réinterprétation de l’art public en situation de conflit ou post conflit, qu’il remonte à des décennies (colonialisme notamment) ou qu’il s’inscrive dans l’actualité la plus brûlante, douloureuse (guerres actuelles, en Afrique, en Ukraine…) . Des interventions artistiques, des éléments additifs ou actions soustractives, des « contre-monuments », physiques ou numériques, « réactivent » parfois paradoxalement les sculptures/monuments et ont pour ambition de permettre une contextualisation, une relecture ou une réécriture des héritages et (mé)faits historiques par le biais d’expériences esthétiques. Ce double mouvement de destruction et de protection des statues constitue le point de départ des communications proposées et des discussions de l’après-midi.
13h30-14h15 Kristina Solomoukha, (artiste/curatrice/enseignante à l’EnsAD, Paris et EESAB, site de Rennes) Pourquoi les constructions cachent-elles leurs fonctions ?
À quoi sert un monument ? Une parade, une manif, une marche militaire ou une procession religieuse, est-ce la même chose ? Quels sont les outils artistiques pour formuler des questionnements sur le territoire du politique ? Kristina Solomoukha présentera des exemples d’œuvres collaboratives et de workshops qui explorent l’espace urbain en France, en Ukraine, en Géorgie et en Estonie.
Née en 1971 à Kiev en Ukraine, Kristina Solomoukha est une artiste plasticienne qui vit et travaille en France. Ses installations, dessins et vidéos ont été largement exposés en France et à l’international, ses œuvres font partie des différentes collections publiques. Nourri par l’intérêt pour l’anthropologie et l’histoire, son travail questionne la dimension politique et sociale des images, et prend souvent une forme collaborative. Depuis l’escalade de la guerre en Ukraine, Kristina Solomoukha et son association La maison de l’ours, ont mis en place de nombreuses actions pour venir en aide aux artistes et étudiants en art ukrainiens.
14h15-15h00 Margot Grygielewicz (philosophe/curator, enseignante à l’École Européenne Supérieure D’image) « Carthago servanda est » - « Carthage doit être sauvée »
Partant d’une célèbre phrase « Carthago servanda est », contredisant la destruction comme l’élément naturel de l’histoire, celle qui résonne dans « Carthago delenda est ». Ces deux phrases résument la dialectique de la disparition de cette ville et de la civilisation punique aux mains de Scipion l'Africain mais aussi de sa renaissance plus tard. Après des années de splendeur et de prospérité, elle fut rasée et rayée de la carte ; ses ruines abandonnées se sont estompées avec le temps. Elle a resurgi en un nouveau lieu des années après. Les paramètres complexes constitutifs de la vie et des villes contemporaines ont certainement forgé un type de rapport à la mémoire, plus proche de l’idée de préservation, de sauvegarde et de patrimoine. Notre désir d'enrichir la liste des sept merveilles du monde, commencée dans l'Antiquité, nous pousse à continuer à protéger mais aussi à re/créer, car notre héritage n’est précédé d'aucun testament.
Au cours des investigations menées, accompagnées d'artistes d'Ukraine et en hommage au mouvement boïchoukiste, nous visiterons des sites, des villes, emblèmes de la destruction contemporaine comme la place Maïdan à Kiev, Marioupol, Détroit, la bibliothèque Vijenica de Sarajevo ou encore Palmyre en Syrie.
15h15-16h Claire Garcia (historienne de l’art, Beaux-Arts de Paris) - « Dégradations, déboulonnages, et après ? »
L’objectif de cette intervention n’est pas d’apporter des solutions péremptoires mais plutôt d’évoquer des cas précis qui permettent de mettre en contexte les déboulonnages actuels des statues, attitude qui n’est pas nouvelle. Il s’agira aussi de réfléchir à des actions envisageables et de nous amener à penser une nouvelle monumentalité dont les prémices sont en germe dans les productions les plus récentes. Quelles que soient les solutions choisies : transfert dans un musée, maintien in situ la question des limites est toujours présente car déplacer / transformer / remplacer : acte de protection ou de vandalisme ?
16h-16h45 : Table ronde / modération Sabrina Dubbeld, docteure en Histoire de l'art contemporain, chercheuse associée à l'Université Paris-Nanterre)
Docteure en Histoire de l'art contemporain, chercheuse associée à l'Université Paris-Nanterre
Pascale Marthine Tayou et Olivier Blanckart, artistes chefs d’atelier aux Beaux-Arts de Paris, participeront à cette table ronde
La filière « Fresque & Art en situation » bénéficie du soutien de La Compagnie de Phalsbourg, La Ville de Fontainebleau, L'Apes - Groupe Action Logement et RM Yachts.